il y a comme un orage qui gronde sous ses côtes, qui croît sans jamais trouver de répit. il ne date pas d'hier, c'est certain, dormant pendant de longues années jusqu'à ce que finalement, une goutte de trop ne vienne faire frémir sa surface lisse un peu trop brutalement. et le caporal qui toujours fut froide mais juste, amante de la justice et brave jusqu'au sacrifice, n'est plus aujourd'hui que l'ombre d'elle-même, rage contenue ayant prit l'apparence d'une femme. car c'est là son fuel premier, une sombre colère qui la dévore de l'intérieur, attend son heure avec une impatience dévorante, instable. elle s'est renfermée, barricadée derrière une impassibilité loin d'être infranchissable — si seulement quelqu'un prenait la peine de lui tendre la main.

elle semble depuis quelques mois (presque une année déjà!) continuellement en deuil — celui d'un idéalisme qu'elle pensait inébranlable. tout ça pour un choix qu'elle avait jugé nécessaire sur l'instant, une décision qui allait ruiner tout ce qu'elle avait construit jusque là. respect, honneur et admiration brûlés sur le bûcher du sens moral de ses compatriotes. ça avait été une vie pour un millier d'autres, et aujourd'hui encore elle en paie le prix.

élevée avec une rigueur inébranlable, les déceptions ont pourtant rapidement été quelques chose d'acceptées : jamais elle ne serait l'héritière de l'industrie familiale, et jamais ô grand jamais ne serait-elle la fierté de ses parents. des certitudes qui jusque là n'avaient pourtant jamais réussi à réellement l'ébranler, elle qui s'était lancée sur le chemin héroïque de défenseur de l'humanité.

une erreur.

jusqu'à ce jour fatidique, elle avait toujours été un soldat aux convictions fortes, mettant en avant la réussite de sa mission bien avant sa propre vie — ou celle de ses collègues. après tout, qu'est-ce qu'un soldat face à la survie de milliers de civiles? une broutille, un dommage collatéral. il y en aura d'autres, tant d'autres, et le fait d'être remplaçable, une pièce temporaire de l'engrenage bien huilé de l'armée n'avait jamais été un point négatif pour elle, juste un fait de la vie. il faut, après tout, savoir faire des sacrifices pour le bien de la population. et jusque là, l'austère réputation dont elle s'était retrouvée affublée ne l'avait jamais réellement dérangée ; elle avait su s'y faire, parlant peu mais se montrant toujours irréprochable, un roc assuré face aux dangers nombreux de leur quotidien. quelqu'un de loyal jusqu'à la faute, quelqu'un capable de prendre des décisions sans hésitations, même les plus difficiles.

des cendres de ses idéaux elle a pourtant fini par renaître, gardant la tête haute malgré le poids du mépris et de la honte pesant sur elle à chaque instant. de soldat brillant au sens moral impeccable, elle est passée à coquille vide agissant machinalement, toujours aussi efficace mais n'ayant plus aucune attention pour sa propre vie, et pour seul but la réussite de la mission. toutes ses autres émotions oubliées au profit de la colère et de l'amertume, prétendant à qui veut l'entendre qu'elle n'a que faire de leur jugement, étouffant les larmes et la déception. elle n'est plus que l'ombre d'elle-même, enchaînée à des erreurs qu'elle pensait justes, à des attentes qu'elle ne pourra jamais satisfaire.

taciturne. étrangement charismatique. brusque. belliqueuse. vindicative. intelligente. détachée. égoïste. désillusionnée. distante. disciplinée à l'extrême. austère. douée d'un pragmatisme souvent confondu avec un manque d'empathie et de considération. brave, bien qu'elle a l'impression qu'il s'agisse plutôt de bêtise à présent. étonnamment élégante. antipathique, par la force des choses. pessimiste.

signes particuliers — un faciès habillé d'austérité, un regard morose. la parcimonie avec laquelle elle se défait de ses mots. les séquelles d'une expédition récente que le temps n'a pas encore réussi à effacer. les médecins sont d'ailleurs quelque peu incertains face à une possible totale rémission.