interrogatoire

Béryl Exshaw n’avait jamais rien fait d’illégal. Elle était l’archétype même de l’innocence, bien qu’elle fît preuve une force de caractère remarquable.

Il y a quelques temps, le bataillon d’exploration avait reçu des membres des brigades spéciales, car ils avaient eu vent d’une histoire de détournement de fonds. Tous les membres avaient été plus où moins interrogés, les comptes feuilletés, les gens observés… Puis ils étaient repartis, et Béryl pensait que s’en était terminé de cette histoire qui avait retourné leur quotidien pendant quelques jours.

Quelle ne fût pas sa stupéfaction quand elle reçue une lettre de convocation, pour enquête approfondie, autrement dit, interrogatoire. Elle devait se rendre à Stohess, dans le quartier général des Brigades spéciales. « Super… » se dit-elle, plus ou moins ironiquement.

Le seul point positif, c’est qu’elle pourrait peut-être croiser Sawyer. Ce qui au final n’était pas une si bonne idée. Imaginez s’il savait, s’il la croisait. Elle ne saurait plus où se mettre, de honte, même si elle n’avait rien fait. Béryl… grande force de caractère hein….

Elle avait donc pris la route, elle et quelqu’un de ses camarades le jour J. Elle ne leur avait pas parlé plus que ça, elle n’en voyait pas l’intérêt, parmi eux, devait y avoir le coupable.

déposés ou disposés

Le trajet s’était bien déroulé, ils avaient été bien reçus, puis déposés peu confortablement dans la salle d’attente qui donnait sur une porte banale. L’ordre de passage avait été donné à la va-vite. Béryl serait dernière.

Alors elle attendit, patiemment. Guettant -et craignant le passage de Sawyer, tandis que ses compagnons passaient leurs interrogatoires.

Pour la plupart tous dépités, certains plus que d’autre, Béryl sentait monter un sentiment de stress désagréable. S’accompagnait de commentaires pas très sympathiques tels que « Il n’est pas commode » à « c’est un tyran », la dame aux cheveux bleus préparait un plan d’attaque, et surtout de défense.

Mais rien ne lui vint, et quand enfin on l’appela, une douce panique lui prenait le ventre.

Salut

Elle allait agir comme ce qu’elle avait vu de ses coéquipiers juste avant. Se présenter, saluer.

« Béryl Exshaw, soldat du bataillon d’exploration, à vos ordres ! »

Sa voix était forte, claire. Elle ne tremblait pas. Elle fit le salut militaire, point sur le cœur, tête haute, et attendit les ordres.

Une commission d'enquête pour être efficace, ne doit compter que trois membres, dont deux sont absents.

Ne ment pas.

On dit que la première impression est toujours décisive ou presque dans la relation entre deux personnes. Il était clair que là, ce n’était pas bien parti. Elle ne demandait pas un sourire, mais bon, peut-être qu’un simple bonjour aurait été pas mal ?

Elle obéit, sans dire un seul mot. Elle s’assied, droite, les mains sur les cuisses, à plat. Son visage ne trahit rien, du moins, c’est ce qu’elle pense. Elle regarde le Capitaine droit dans les yeux quand il lui parle. Et pourtant, ses propres viscères tremblent. Elle a peur ?

« Fais pas la folle. Ne ment pas. Réponds calmement. »

Elle aurait bien voulu répondre sur un ton léger, peut-être plaisanter pour détendre un peu l’atmosphère. « J’peux avoir un verre d’eau ? J’ai la dalle aussi, j’ai attendu toute la journée. Allez soyez sympa. » Mais, le stress prit le dessus. Il ne fallait pas qu’elle se laisse démonter.

Après tout, elle avait déjà découpé un titan déviant de grosso modo 18 mètres. Autrement dit, une belle bestiole comparée à l’homme qui lui faisait face.

« Oui Capitaine. J’ai été convoquée car je suis suspectée d’avoir pris part au détournement de fonds ou de marchandises qui a eu lieu au sein du Bataillon, comme c’était indiqué sur la convocation. »

Un duel de regards avait commencé. Il fallait qu’elle tienne, détourner le regard signifierait tout de suite quelque chose de négatif. Elle l’avait lu, dans une étude du comportement humain.Sa respiration devint une houle plus longue.

« Je peux affirmer être innocente. »

Sa voix se brisa sur le dernier mot. Et merde…

Une commission d'enquête pour être efficace, ne doit compter que trois membres, dont deux sont absents.

Pando

Biche

Quels doux euphémismes étaient sortis de la bouche de ses compagnons, lorsqu’ils décrivaient le personnage du caporal au sortir de leur interrogatoire. Béryl ne put s’empêcher de les maudire, car elle avait clairement sous-estimé la chose.

La chose oui. Elle n’avait pas l’impression d’être face à un humain. Il n’avait encore rien fait qu’elle se sentait petite, méprisée, exécrée. Il était clair que la prestance de cet homme anéantissait toute contenance que la bleue essayait de garder, tant bien que mal.

Un long frisson désagréable descendit le long de l’échine de la jeune femme lorsqu’il fit craquer les os de son cou.

C’était long. Très long.

Elle était partagée entre la peur de cette pièce, de ce personnage, et l’exaspération de devoir subir tout ceci.

Oui, elle avait été stupide d’affirmer son innocence haut et fort, mais que pouvait-elle faire d’autre dans cette situation ?

Elle déglutit, yeux rivés au sol, sur la silhouette constatée de lumière qui se dessinait au sol. Il attendait ?
Elle gesticula, mal à l’aise, mais toujours en gardant cette position, main sur les genoux.

« Le principe d’un interrogatoire est de poser des questions à l’accusé. »

Contrairement aux apparences, Béryl ne cherchait pas à faire du zèle, mais juste expédier cet entretient malaisant, le plus rapidement possible.

« Je vous écoute. »

Si elle était une biche, elle ferait ce qu’elle sait faire de mieux.

Courir vers l’échappatoire la plus proche.

Une commission d'enquête pour être efficace, ne doit compter que trois membres, dont deux sont absents.

Pando

Odeur

« Non Capitaine. Vous savez faire votre travail, je suppose. »

Elle serra les poings sur ses genoux. Elle s’attendait à plus violent comme réponse à son zèle ; et pourtant, elle continuait sur la voie dangereuse de la pointe de sarcasme. Elle haussa très légèrement les épaules, alors qu’elle s’habituait peu à peu à cet environnement, et à cette ambiance particulière. La peur devenait moindre, même si elle était toujours présente.

Elle sursauta en sentant le souffle au-dessus d’elle, et c’est à ce moment qu’elle prit une inspiration.
Quelle drôle d’odeur… Était-ce l’air ou bien la personne ?
Quoi qu’il en soit, Béryl ne relèverait pas, même si elle pensa qu’un bon bain de bouche, ou un bain tout court arrangerait le problème.
Néanmoins, elle ramena sa longue que de cheval sur le côté, et la lissa très légèrement, avant de remettre ses mains sur ses cuisses, doigts tendus.

La question qui suivit la surprise quelques peu. Et la première réponse qui lui passa par l’esprit était « Non ». Clair net et précis. Elle repensait encore une fois à Franz, à ce qu’il avait fait pour elle, et même si elle avait terminé un bon nombre de mission avec brio, elle se sentait toujours en tort, quoi qu’elle fasse. Pourtant, elle savait qu’elle était quand même un bon élément. Tout simplement car elle n’avait pas été croquée par un titan.

« Je pense être un bon soldat. J’obéis aux ordres, et je suis en vie. Il ne faut rien de plus à mes yeux. »

Elle baissa de nouveau les yeux sur l’ombre projeté devant elle. Bizarrement ses mots sonnaient un peu moins justes dans sa bouche que ce qu’elle avait pensé. C’était la vérité, en un sens.

Une commission d'enquête pour être efficace, ne doit compter que trois membres, dont deux sont absents.

Pando