Stohess. C'était là que ton fiancé se trouvait. Pourtant, aujourd'hui, tu n'étais pas venue pour le suivre comme tu avais prévu de le faire. Non, ce sera pour un autre jour. Alors, qu'est-ce qui t'amenait ici? Tu avais tout simplement envie de sortir de la demeure des Rosenthal. Et puis, rendre service aux couturières était devenu une habitude pour toi. Ces femmes, tu les adorais. Bien qu'au début, elles refusaient ton aide, déclarant une demoiselle de la noblesse comme toi ne devrait pas faire ce genre de choses, elles avaient fini par t'accepter en voyant ta sincérité. Tu voulais te rendre utile, d'une manière ou d'une autre, et comme tu avais des doigts de fée, coudre était le seul moyen que tu avais trouvé.

C'est avec un sac remplit de vêtements que tu te rendis à Stohess. Cela te faisait du bien de sortir de Mithras. De prendre l'air et voir de nouvelles têtes. Sur le chemin, tu en profitas pour observer les alentours, un sourire sur les lèvres. Tu avais préféré descendre de la calèche avant d'arriver à la boutique afin d'être seule. Sauf que tu ne pensais pas qu'en faisant cela, tu passerais à deux doigts de te faire renverser par un cheval. Perdue dans tes pensées, tu n'avais pas vraiment fait attention où tu mettais les pieds. Tu aperçus donc la monture à la dernière seconde et poussas un cri. Maladroite comme tu étais, en voulant reculer pour t'éloigner, tu tombas au sol. Heureusement que la cavalière réagit tout de même à temps, car tu aurais très bien pu recevoir un coup de sabot et tu n'osais même pas imaginer à quel point cela aurait pu te faire mal.

Tu grimaças quelque peu en te relevant. Tu en profitas également pour épousseter ta robe parsemée de poussière. La cavalière descendit du cheval et s'approcha de toi pour se confondre en excuses. L'observant quelques instants, tu lui souris par la suite et lui répondis. « Ne vous en faites pas, il ne m'a pas touché. J'ai eu sacrément peur cependant! Vous devriez faire plus attention, mademoiselle. » Ton ton n'était pas celui d'un reproche, mais plutôt d'un conseil. Cela arrivait à tout le monde d'avoir la tête ailleurs, y comprit toi. Tu récupéras alors ton sac de vêtements et le tourna dan tous les sens pour voir s'il ne s'était pas déchiré. Heureusement, il semblait être intact. « Si cela aurait été une autre personne qui aurait été à ma place, cela aurait pu mal se terminer pour vous. Il y a certains nobles qui réagissent au quart de tour. » Notamment tes parents. S'ils avaient été présents... Tu secouas légèrement la tête. Tu n'osais même pas imaginer leurs réactions. Même si tu n'avais pas été blessée, ils étaient si protecteurs envers toi qu'ils auraient pu s'en prendre à la pauvre jeune femme.

Ce regard... Ton sourire disparut quelques instants lorsque tes yeux croisèrent les siens. Tu semblais l'avoir irritée, mais comment? Était-ce tes propos qui lui étaient désagréable? Pourtant, tu ne voulais pas lui faire de reproche, tu voulais seulement la conseiller. Sauf que tu t'y étais peut-être mal prise cette fois-ci. « Oh, je vois... C'est compréhensible. » Ce fut malheureusement tout ce qui te vient à l'esprit lorsqu'elle s'excusa. Apparemment, le travail, ça fatigue. Tu détournas le regard, ne sachant que dire de plus. Soit elle était susceptible, soit tu étais maladroite avec tes mots.

Ton sourire orna de nouveau tes lèvres lorsque la jeune femme te demanda si tu t'étais fait mal. Alors, tu secouas doucement la tête avant de lui répondre. « Il y a eut plus de peur que de mal, ne vous inquiétez pas. » Elle te proposa ensuite son aide afin de transporter ce sac jusqu'à la boutique. C'était sa façon à elle de se faire pardonner. « Vous n'avez pas besoin de vous faire pardonner, ce n'est rien, mais je dois avouer qu'un petit coup de main serait apprécié! » Tu ne voulais pas qu'elle porte ton sac, non. Ce que tu désirais, c'est qu'elle t'ouvre la porte. Tu lui indiquas donc la boutique qui était à seulement quelques pas de l'endroit où vous vous trouviez. « Si vous pouviez m'ouvrir cette porte, ce serait gentil. Je risque d'avoir du mal avec ce sac sinon. » Un doux rire s'échappa de tes lèvres alors que tu te mis à marcher en direction de ta destination.

Heureusement, la jeune femme accepta de t’aider en allant ouvrir la porte de la boutique de vêtements. Elle te devança rapidement alors que toi, tu faisais attention où tu mettais les pieds. Disons qu’avec ce sac, ce n’était pas forcément évidemment. Surtout qu’avec ta maladresse légendaire, tu ne savais jamais quand tu allais tomber… Ah la la. Une fois la porte ouverte, elle se décala afin de te laisser passer, ce qui te permit d’entrer et de déposer ce sac sur le comptoir un peu plus loin. Un léger soupir de soulagement s’échappa de tes lèvres tandis que tu reportais ton attention du l’inconnue. Elle te demanda – ou plutôt, constata – que tu ne travaillais pas ici. Se trompait-elle? Oui et non. Tu lui souris, car tu savais que ce que tu allais dire allait certainement la surprendre. « Certains diront que oui, d’autres non. Cela dépend comment vous voyez cela. Je leur donne un coup de main, comme c’est la seule chose dans laquelle je sois douée. »  La couture et la broderie n’étaient pas la seule chose que tu savais faire, évidemment. Tu jouais de plusieurs instruments, mais… comment aider les autres en jouant de la musique? Alors, tu t’étais reconvertie en couturière, en quelque sorte.

La remarque qu’elle lâcha par la suite te fit rire. Un son doux et clair retentit. Décidément, tu ressemblais à une poupée par moment. Tu ne pouvais pas t’empêcher de rire, car au fond, elle avait raison, ce que tu lui fis remarquer. « Oui, vous avez raison mademoiselle. Je suis Ismey Rosenthal, de la noble famille Rosenthal de Mithras. Même si je suis loin de mon palais, comme vous le dites, je préfères être ici plutôt que d’être coincée entre ces quatre murs. »  D’autant plus que lors des douze premières années de ta vie, tu n’avais jamais eu la possibilité d’en sortir. Une véritable prison dorée. Sauf que cette cage, tu la détestais. Tu ne pouvais pas rester enfermée, pas après avoir goûté à cette maigre liberté. « Et à qui ai-je l’honneur? »  demandas-tu après t’être présentée. Après tout, elle connaissait désormais ton nom. Elle pouvait bien te donner le sien, non?

« Ismey! Ne me dites pas que vous avez déjà terminé tout ça? »  Une petite blonde sortit de l’arrière-boutique et écarquilla les yeux en observant le sac sur le comptoir. Un nouveau rire s’échappa de tes lèvres. « Charlotte, après tout ce temps, cela vous surprend encore? Je ne peux pas rester longtemps aujourd’hui, et je ne sais pas non plus quand je pourrai revenir. Alors, j’ai terminé tout ce que vous m’avez demandé de faire. »  Juste à vous voir parler ainsi, cela se voyait, que tu étais une habituée et qu'il ne s'agissait pas de la première fois que tu les aidais. Et, surtout, cette femme ne semblait pas te traiter comme une noble, mais plutôt - comment dire? comme une amie? Ou du moins, vous en oubliez votre classe sociale. Enfin, surtout toi. C'était un peu toi qui les avaient poussées à te traiter comme l'une des leurs même si certaines avaient encore de la difficulté.

Cette jeune femme se nommait donc Karhlya. Tu t'en souviendrais, si un jour vous vous croisiez de nouveau. Une fois que tu eus terminer ta conversation avec Charlotte, tu reportas ton attention sur la soldate qui était restée près de l'entrée. Tu décidas donc de la rejoindre au moment où elle soupira - pour une énième fois - avant de te demander pourquoi tu ne changes pas de vie si cette dernière ne te plaît pas. Tes pupilles se posèrent sur elle, quelque peu surprises. Changer de vie? C'était plus facile à dire qu'à faire. Dans un sens, elle n'avait pas tort. Sauf que... « Mais pour aller où? Et qu'est-ce que je pourrais faire? À part la couture et la musique, je ne sais rien faire. Et je serais certainement une catastrophe dans une cuisine... » Ce fut à ton tour de soupirer. Tu n'avais jamais cuisiner de toute ta vie ni même fait le ménage. Alors, si tu quittais la demeure de tes parents pour voler de tes propres ailes, tu risquais d'être une véritable catastrophe. Tout ceci s'apprenait, cependant, mais tout de même. Cela ne changeait pas le fait que tu ignorais où t'installer par la suite et comment gagner de l'argent. Sans argent, tu ne pourrais pas vivre. Les couturières de la boutique t'avaient bien appris ce concept.

Tu ouvris alors la porte et invita ton interlocutrice à sortir avant de la suivre. Tu désirais la raccompagner jusqu'à son cheval. Ainsi, cela te permettrait de poursuivre votre discussion et, peut-être, d'en apprendre un peu plus sur elle. « J'admire vraiment le courage que vous avez, mademoiselle Ainsley, pour avoir rejoint la bataillon d'exploration. Parfois, j'aimerais avoir plus de courage moi aussi. » Tu levas doucement la tête vers le ciel, en souriant. Tu désirais avoir le courage de t'opposer à tes parents. Le courage de leur dire ce que tu pensais, notamment pour tes fiançailles, mais aussi de partir. Peut-être qu'un jour tu y arriverais. Tu pourrais faire ce que tu voudrais, mais pour le moment, c'était trop encore trop tôt.

Elle avait raison, Mademoiselle Ainsley. Le monde est vaste. Tu pouvais te rendre où tu le désirais. Et en entendant ses paroles, tu souris. Vous aviez toutes les deux des talents différents, ce qui faisait que vous étiez vous-même. Tu ne pouvais pas le nier. Être douée en couture, ce n'était pas donné à tout le monde. Tout comme avoir le courage de franchir les murs et combattre des titans, ce n'était pas tout le monde qui pouvait le faire.

En parlant de courage, elle répliqua qu'elle ne savait pas s'il en s'agissait. En fait, elle se battait pour obtenir ce qu'elle désirait le plus au monde. C'était même égoïste de sa part, disait-elle. Toi, tu ne voyais rien d'égoïste là-dedans. Il y a bien des personnes qui, même pour atteindre leur rêve, ne serait pas prêt à se battre. Toi par exemple. Tu hésitais toujours à sortir de Sina. Tu le désirais, mais tu avais peur. Peur de la réaction de tes parents. Peur de le regretter. Peur de bien des choses. Et Karhlya te confia un secret. Oser sortir de sa zone de confort, oser se lancer. Tu devrais essayer, disait-elle. « Oui, vous avez peut-être raison... » déclaras-tu quelque peu pensive. Tu n'avais pas besoin d'avoir peur. Tu devais simplement te faire confiance et oser aller de l'avant. « Merci pour le conseil. » Tu lui rendis son sourire, pour une fois qu'elle te souriait!

Tu observas un moment sa monture avant de reporter son attention sur elle. « Je ne vous retiendrais pas plus longtemps que ça. J'espère avoir la chance de vous revoir un jour, Mademoiselle Ainsley. »