La vie est quelque chose d’étrange, n’est-ce pas ? Tu te démènes jours après jours, sourire aux lèvres, pour que finalement on te brise le cœur.

Tu avais aperçu, quelques jours plus tôt, une petite chatte. Ce n’était pas la première fois que tu la voyais dans le coin, tu avais joué avec elle quelques semaines plus tôt déjà. Mais là, tu voyais bien qu’elle avait pris un peu d’embonpoint. Il ne t’avait pas fallu beaucoup plus de temps pour te rendre compte que l’animal allait bientôt mettre bas.

Alors, tu lui avais fournis de quoi faire un nid, des vieux – ou pas si vieux – vêtements, de la nourriture, tout ce que tu avais pu trouver. Tu avais même passé plusieurs heures à négocier avec le vieux Henry, le propriétaire de la taverne, pour qu’il t’autorise à la prendre chez toi, en vain. C’était l’inconvénient d’avoir laisser derrière toi tous tes titres et tes richesses : tu n’étais qu’une roturière sans le sou parmi tant d’autre.

Mais si tu devais te priver pour que la bête ait ses enfants dans les meilleures conditions, tu le ferais !
La veille, en allant donner un cours, tu avais vu qu’elle allait mettre bas à tout instant. Tu étais restée, tu l’avais aidée lorsque ça n’allait pas, tu avais même réussi à redonner la vie à un chaton en mauvais état. Alors, tu l’avais laissée là, le cœur lourd. Tu avais même pensé à venir dormir près d’eux mais tu n’avais que prévu une petite boîte pour les abriter.

Le lendemain matin, tu avais déposé un bol de lait, une gamelle d’eau et surtout un peu de viande que tu avais achetée au marché. Tu avais tout découpé finement et tu avais fait en sorte que la mère puisse manger. Tu étais restée la caresser un moment avant de partir.

Et puis, tu avais donner tes cours, tu avais passé un moment avec les enfants mais, les chatons occupaient tes pensées. Tu avais toujours aimé les animaux, mais tu avais un feeling particulier avec les chats. Alors, tu passes par l’épicerie pour acheter un peu de jambon. Tu souris et tu retournes dans la ruelle.

C’est là qu’il apparaît. Tu es surprise. Tu approches doucement, c’est un soldat. Tu n’as pas très envie d’attirer son attention.

« Bonjour. »

Tu ne peux pas vraiment l’ignorer, il est au-dessus des chatons. Un regard alentours et tu te rendis compte que la mère n’était pas là. Elle ne devait pas être bien loin, elle n’aurait jamais abandonné les petits comme ça.

ft @Ian Azelhart

Tu n’es pas vraiment rassurée, seule dans cette ruelle. Cela commence à faire quelques années que tu vis à Shinganshina et, tu n’as pas passé une année sans être victime des tensions qui règnent dans cette ville et ces bas-fonds. Tu sais que les gens ne sont pas tous mauvais, mais tu es prudente. D’autant plus lorsqu’il s’agit de l’armée : ils ne sont jamais les derniers à abuser des autres. Mais, tu dois bien avouer qu’ils ne sont pas tous pourris. Que ce soit Garviel ou Glen, ils t’ont tous les deux aidés à leur niveau et tu es plutôt sûre qu’ils ne sont pas les seuls à être de bons hommes dans cette armée.

Ton regard ambré se pose de nouveau sur cet homme, tu n’es pas beaucoup plus grande que lui mais tu te fais la réflexion qu’il n’est pas bien grand. Ça n’a pas d’importance dans cette situation mais, la réflexion s’est imposée à toi d’elle-même. En attendant, il ne semble pas être agréable. Tu avances vers lui et le dépasse, t’agenouillant près des chatons sans faire grand cas de sa présence.

« Ils ne sont pas à moi mais je les aime autant que vous, alors je m’occupe un peu d’eux. Vous n’avez pas vu la mère ? »

C’est elle que tu cherchais ainsi du regard, étonnée qu’elle soit déjà partie en laissant ses petits. Ce n’était pas le genre d’une maman chat. Tu déposes alors tes victuailles au sol et ouvre le sachet émietter au mieux la tranche de jambon pour qu’elle puisse venir manger.

« Ils ne peuvent pas être séparés de leur mère tout de suite mais, si vous connaissez des personnes susceptibles d’adopter un chat… Vous peut-être ? »

Tu lèves les yeux vers lui, un sourire doux sur les lèvres. Tu te méfies mais, rien ne t’oblige à être désagréable avec lui. Après tout, vous avez la même volonté que ces chatons aillent bien.

ft @Ian Azelhart

Une fois la gamelle improvisée montée non loin du carton où les petits miaulaient, tu laissas une main se perdre délicatement entre les petits. Ils cherchaient à téter tes doigts, cherchant probablement l’odeur de la viande. Tu grimaças et leva les yeux pour chercher de nouveau la mère, inquiète.

« J’espère qu’elle n’est pas loin. »

Tu n’avais pas envie que les petits meurent de faim sans leur mère.

Et puis, l’homme sembla se décoincer un peu. Tant mieux, tu n’avais pas vraiment envie de lutter pour discuter du sort de ces adorables bestioles. Les amateurs d’animaux ne devraient jamais se battre entre eux. Alors que tu joues avec l’un des chatons, doucement, tu l’entends refuser la possibilité de prendre les chats à domicile. Ça te fend le cœur mais tu comprends, tu ne peux que comprendre au fond.

« J’aimerais, mais la personne à qui je loue la chambre n’accepte pas d’animaux dans la taverne. »

C’était logique au fond, une histoire d’hygiène ou quelque chose comme ça. Ou alors d’allergies, c’était peut-être ça. Mais ça te faisait de la peine. Tu aurais tellement aimé pouvoir les loger au chaud chez toi. Il y a quelque année, ça t’aurait été possible dans difficultés. Aujourd’hui, c’était une autre paire de manche.

Finalement, une tâche blanche fit son apparition au coin de la rue, jaugeant l’homme près de toi pour voir s’il était approchable. Elle franchit doucement les quelques mètres, de la même manière méfiante que tu avais eu quelques instants plus tôt. Elle vint renifler ta main, lécher les doigts qui avaient touché le jambon avant de se jeter sur le peu de nourriture que tu avais pu trouver.

« Je suis désolée minette, je n’avais pas suffisamment de monnaie sur moi pour prendre plus… »

Tu la caressas un instant et fini par relever la tête vers.

« Alors, qu’est-ce qu’un membre du noble bataillon d'exploration fais entre nos humbles murs ? »

ft @Ian Azelhart

Tu n’apportais pas systématiquement à manger. Tu savais que la mère devait continuer de chasser au cas où personne ne voudrait les adopter. Mais c’était un petit plus, quelque chose pour que les petits puissent mieux grandir. Si les habitants de Shinganshina ne mangeaient pas à leur faim, comme les chats pourraient-ils manger convenablement eux aussi ?

Tu lèves les yeux vers lui, surprise. Tu penches un peu la tête, laissant la mère grignoter pendant que tu discutes avec cet ami des animaux.

« Je ne pense pas non. Vous vous battez pour nous après tout, vous êtes des héros. »

Et même dis de plus en plus de gens se demandaient quelle était leur utilité puisqu’en plus de cent ans, ils n’avaient pas beaucoup avancé sur la condition des titans, tu continuais de croire qu’ils y arriveraient. Alors, tu lui offres un doux sourire, comme pour le rassurer et lui dire que l’armée n’est pas seule, qu’il y a encore des gens qui ont confiance dans le bataillon. Bien que prudence soit toujours mère de sureté, évidemment.

Tu ris un peu en voyant la mère bouder la main du brun.

« Ne vous en faites pas, elle a toujours été craintive. J’ai mis plusieurs semaines avant qu’elle ne me laisse l’approcher. »

Mais lui n’avait peut-être pas plusieurs semaines, après tout.

« J’ai entendu, oui. C’est terrible. »

Et ça t’effrayais. Mais tu te forçais à ne pas y penser, à oublier. Parce que si tu laissais la peur t’envahir, ça n’avait aucun intérêt. Et puis, les enfants comptaient sur toi. Tu ne pouvais pas te laisser submergée par tes émotions.

« Je suis institutrice ! J’enseigne aux enfants du quartier. »

Du moins lorsqu’ils te laissaient faire. Il fallait bien avouer que les enfants de ces âges là étaient de sacrés garnements.

ft @Ian Azelhart

Finalement, tu abandonnes la position accroupie et te redresse un peu, étirant tes membres endoloris. Tu souris doucement et hausse les épaules, observant le ciel un instant.

« Non, pas particulièrement. Les enfants sont une source de joie et d’apprentissage immense. Ils me ressourcent parfois, et son une bouffée d’air frais dans ce monde. »

Tu ne t’étends pas sur la nature de ce monde. Il est soldat. Pour le bataillon. Tu n’as aucun doute quant à sa connaissance du monde qui vous entoure.

« J’aime enseigner et j’ai des connaissances. Autant que ça serve ! »

Après tout, peut-être qu’eux seront les précurseurs d’un nouveau monde, peut-être que grâce à toi ils pourront devenir plus grand encore que les Hommes présents aujourd’hui.

Et puis, sa question te surpris. Tu te passes une main sur la nuque et observe un peu le bout de la ruelle, mitigée.

« Difficile. Mais ça ne doit pas vraiment vous surprendre. Ce mur est laissé à l’abandon depuis un siècle. Ses habitants ne sont là que pour rassasier les titans si le mur venait à tomber. Comme à Odélia. »

Tu n’es pas dupe. Personne ne l’est.

« Après, les réfugiés d’Odélia arrivent par vagues. On accueille comme on peut. Mais j’espère que le district finira par rouvrir. Ou qu’on trouvera une solution pour que les gens ne se marchent pas dessus. »

Tu hausses les épaules. Tu espères surtout qu’il n’y aura pas d’autre souci du genre. Sinon, vous allez vite arriver à bout de souffle.

ft @Ian Azelhart