Son mouvement d'épaules te fit immédiatement redresser la tête. Disons qu'il y était allé un peu fort. Sauf que tu restas tout près de lui. Il serra ta main dans la sienne et t'expliqua. Il était un soldat - tu t'en doutais bien, à cause de ses muscles - et il faisait partie du bataillon. Il cherchait à passer du bon temps, au cas où... Sa phrase était en suspens, mais tu connaissais la fin. Au cas où il mourait. Tu ne te posas pas plus de questions. Sans prévenir, tu te retrouvas assise sur lui, à califourchon. Tes bras se glissèrent autour de son cou. « Alors, profitez-en. » Tu étais là pour cela. Tu ne pouvais pas le laisser sans rien. Alors, tu posas de nouveau tes lèvres contre les siennes, dans un baiser qui était loin d'être chaste.

Cette position ne semblait pas être suffisante pour lui. Ou plutôt, cela réveillait quelque chose en lui. Avec douceur, il te fit basculer vers l'arrière et tu te retrouvas allongée sur le lit. Il se cala ensuite contre ton corps, t’immobilisant complètement, alors qu'une de ses mains maintenant les tiennes au-dessus de ta tête. Tous ses gestes étaient d'une telle douceur. Même lorsque son autre main vint agripper ta cuisse. Tu fermas donc les yeux pour savourer les baisers qu'il déposa contre ton cou, te procurant quelques frissons au passage. Les mots que tu prononças n'étaient qu'un murmure, comme si tu avais peur de briser cette intimité qui s'installait graduellement entre vous. « Ian... Aujourd'hui, je suis vôtre... » Il pouvait faire ce qu'il voulait, tu ne dirais rien - sauf s'il te brusquait, bien évidemment, mais il ne semblait pas être ce genre d'homme. C'était, bien sûr, une invitation.

Tu l'encourageais et tes mots ne tombèrent pas dans l'oreille d'un sourd. Il se glissa entre tes jambes et sa main remontait petit à petit vers ta poitrine. L'envie était présente. Tu le voyais. Tu le ressentais. Sauf qu'il se retenait. Encore pour te demander ce que tu désirais. Ce qu'il pouvait faire pour te combler. Désormais légèrement redressé au-dessus de toi, il avait libéré tes mains, mais tu ne bougeais pas. Tu l'observais. Et tu voyais à son regard que tu ne pourrais pas lui répondre qu'il pouvait faire ce qu'il voulait. Tu cherchas une réponse et la première idée que tu eus traversa tes lèvres. « Faites comme si c'était ma première fois... Comme si j'étais la chose la plus précieuse en ce monde. » C'était vague, et en même temps, non. Tu désirais de petites attentions. Qu'il prenne soin de toi tout en te désirant. Des caresses qui te permettraient d'oublier, pendant quelques instants, qu'il s'agissait de ton métier.

Avec lui, tu savais que tu pourrais réaliser ce souhait. Ce serait comme un rêve, pendant quelques instants, avant que tu ne te réveilles. Que tu ne reviennes à la réalité. Sauf que tu souhaitais en profiter. Même si cela ne durerait que peu de temps. Et il vint déposer un baiser sur tes lèvres, cette fois-ci, dans une douceur à laquelle tu n'étais pas habituée. Puis, il te murmura ces mots que tu ne pensais jamais entendre. Tu étais déjà la personne la plus précieuse au monde. Une personne... et non pas un objet. Tu te moquais bien de savoir s'il était sincère, s'il le pensait vraiment. Tant qu'il te le disait. Tant que tu pouvais y croire, c'était tout ce qui comptait.

Tes paupières se fermèrent et tu savouras ce moment intime en compagnie de cet homme si imprévisible. Ses caresses. Ses baisers. Tu te souviendrais de cet instant. De ce que cela faisait de se sentir choyée et désirée. Aucun mot ne s'échappait de tes lèvres. Ce n'était que de doux sons. Témoins du plaisir que tu éprouvais.

Le temps s'écoula sans même que tu ne t'en rendes pas. Tu ignorais même combien de temps votre étreinte dura. Tu ne pris conscience de la réalité que lorsque ce qui te semblait être un rêve se brisa. Ses caresses cessèrent peu à peu avant qu'il te l'enlace, ramenant la couverture sur vos corps nus. Et puis, il s'excusa. La tête posée contre son épaule, tu restas un moment silencieuse. En y repensant, jamais vous ne l'auriez fait si tu n'étais pas une prostituée. Si vous vous étiez croisés dans la rue, vous auriez discuté. Vous auriez fait connaissance. Puis, peut-être un baiser. Ou deux. Sans plus. Se sentait-il mal car il pensait avoir abusé de toi? De tes sentiments? « Vous n'avez pas à vous excuser... » Après tout, c'était toi qui avait insisté. C'était toi qui l'avait tenté.

Tu te redressas donc légèrement pour que ton visage soit au-dessus du sien. Quelques mèches améthystes tombèrent sur le côté. Et tu lui souris. « S'il y a un coupable, c'est moi. » Tu étais la tentatrice. Ta main se posa alors sur sa joue et la caressa avec tendresse. « Et puis, vous m'avez si bien traitée. Je ne peux pas me plaindre. »

Tu ne l'avais jamais vu avec un tel sourire. Un sourire plus petit et gêné. Ainsi, tu le trouvais presque mignon. Il déclara alors que tu pouvais te reposer. Tu ne te fis pas prier en revenant te blottir tout contre lui, la tête contre son épaule. Tu sentis alors sa main te caresser, bien que légèrement, et tes paupières se fermèrent pour savourer cette douceur. Décidément, tu ne t'en lasserais jamais. Et il murmura ces petits mots. Un compliment qui te fit quelque peu rougir. Tu avais l'impression d'être une pucelle qui n'avait jamais eu de compliment. Pourtant, ô combien il y avait des hommes qui te le disaient, mais très peu étaient sincères. Ils ne te disaient cela que pour tu sois plus attentionnée envers eux.

Il rajouta alors que tu étais même pétillante, surtout quand... Aussitôt, tu redressas la tête pour voir ce regard espiègle qu'il te lançait et ce sourire taquin qui ornait ses lèvres. Tu posas ta main sur ses lèvres. « Ce n'est pas en disant ce genre de choses que je vais pouvoir me reposer! » Tu ris avant d'enfouir ton visage dans le creux de son cou. On aurait presque dit que tu étais gênée.

« Hmm? » Doucement, tu redressas la tête pour l'observer. Tu te demandais bien ce qu'il désirait te demander. Tu patientas donc silencieusement, attendant qu'il reprenne la parole, ce qu'il fit. Il te demanda si tu souhaitais aller boire un verre après tes heures de travail. À vrai dire, il désirait apprendre à mieux te connaître en dehors de ce contexte.

Tu te redressas soudainement. Assise dos à lui, tu tenais le drap contre ton corps afin de te couvrir. Tu hésitais à lui répondre. Sortir avec des clients, ce n'était pas généralement pas une bonne idée. Et puis, tu étais toujours épuisée. Chaque fois que la nuit se terminait, tu ne pensais qu'à une seule chose : rentrer chez toi, te nettoyer et te reposer. « Ian, je... » Tu cherchais tes mots, ignorant quoi lui répondre. Tu ne voulais pas le vexer. « J'aimerais beaucoup boire un verre avec vous, mais... pas après le boulot. Ce serait mieux lors d'un congé. » Et tu baissas la tête, évitant de le regarder. En fait, tu avais peut-être simplement honte de le revoir après avoir servie tu ne sais combien d'autres hommes. Tu espérais qu'il comprendrait ce que tu voulais dire.

Sa main glissa le long de ton dos, une caresse qui se voulait rassurante. Tu espérais qu'il te comprenne et, apparemment, c'était le cas. Tu n'avais donc pas à être gênée. Il vint alors se placer devant toi et, délicatement, il releva ton visage afin que vos regards se croisent. Puis, il déposa un doux baiser sur ta joue. Tu n'avais pas à avoir honte, disait-il. Il savait parfaitement que tu faisais un travail difficile et épuisant. « Merci d'être compréhensif... » Et tu lui souris. Doucement. Légèrement.

Ian te demanda alors quand sera ton prochain jour de congé. Il pourrait ainsi te rendre visite. Ou alors, tu pouvais toujours te rendre à Karanes. En y repensant, tu n'étais jamais allée dans ce district. Et puis, il y avait ta soeur qui avait besoin de toi. « Dans trois jours. Sauf que j'avais l'intention de me rendre à Korela. » Tu étais dans un vrai dilemme. Tu passas donc une main dans tes cheveux, essayant de trouver une option. En réalité, tu n'osais pas trop lui proposer de se rendre là-bas. « Ça me rallonge, mais je peux toujours essayer. Je ne peux rien vous promettre cependant. »

Il refusa ta proposition. Et, tu ne l'avoueras pas, mais cela te soulageait. Faire le détour par Karanes te prolongeait beaucoup trop. Puis, Ian sembla avoir une idée. Penchant légèrement la tête sur le côté, tu l'écoutas attentivement. Dans trois jours, lorsque tu seras en congé, il te rejoindra ici et vous partirez ensemble à Korela où vous pourrez boire votre verre. Un sourire illumina ton visage et tu hochas la tête. « C'est une très bonne idée. Nous pourrons dormir là-bas, chez mes parents. Ils ont une chambre d'amis que vous pourrez emprunter. » Et toi, tu dormiras avec tes soeurs. Comme lorsque vous étiez petites.

Tu vins alors t'asseoir sur le bord du lit et quitta la chaleur des draps afin de te vêtir. Tu ne pouvais pas le retenir plus longtemps. Même si tu aurais souhaité rester. Profiter de la chaleur de ses bras encore quelques instants. C'était impossible. « Il vaudrait mieux partir maintenant. Je ne veux pas que vous payer trop cher en restant trop longtemps. » Tu te retournas doucement et lui souris. Tu savais que les tarifs étaient élevés lorsque vous montiez à l'étage. Et tu devais l'avouer, c'était un peu de ta faute puisque tu l'avais invité. Tu ne voulais donc pas qu'il dépense toutes ses économies ici.

Quelle idiote. Tu lui avais proposé cela sans vraiment penser à la situation que cela pourrait créer si tes parents commençaient à le questionner. Alors, lorsqu'il déclara qu'il se trouverait une auberge, tu hochas tout simplement la tête. Tu ne voulais pas insister.

Tu restais là, assise sur le bord du lit, attendant patiemment qu'il se rhabille à son tour. Qu'il quitte cette chambre et mette fin à ce moment de rêve. Puis, tu sentis sa main caresser tes cheveux et ces mots serrèrent ton coeur. Il était désolé de ne pas pouvoir te garder pour le reste de la soirée. Il voulait tant donc te préserver? Cela te touchait. Sincèrement. Tout ce qu'il faisait, te touchait. Comme tu aimerais que tous tes clients soient comme lui. Ta vie serait bien plus facile.

Puis, il se leva et se plaça devant toi, tendant une main dans ta direction. Il souhaitait que tu le raccompagnes. Tu pris donc sa main afin de te lever, lui offrant un sourire. « Allons-y. » Et tu l'entraînas hors de la chambre. Tu refis le même chemin, mais à sens inverse. Étrangement, tu marchais plus lentement. Malgré tout, vous arriviez bien trop rapidement à l'entrée. Sauf qu'il était hors de question de le laisser partir comme cela. Tout simplement. Tu approchas donc tes lèvres de ton oreille. « Merci pour tout, Ian. » Tes lèvres se posèrent ensuite sur sa joue dans un doux baiser. Ce ne fut qu'à ce moment-là que tu libéras sa main et que tu reculas d'un pas. Tu lui souriais.