ses pieds l'ont menés jusqu'au district de tyrema. bizarrement, c'est un des districts ou il revient le plus souvent. on pourrait croire à tort que c'est le district ou il a vu le jour, mais ce n'est pas le cas. Seulement, les conditions de vie de ce district lui rappelait cruellement celles qu'il endurait lorsqu'il vivait encore avec ses parents. une bande de gamins aux pieds nus et sales le bousculent, distraits par leur course. il pourrait les réprimander, mais n'en fait rien. il sait ce que c'est de vivre sans-le-sou, de penser que la rue est comme une mère, de trouver de mauvaises influences faute de trouver des modèles de vertus. aujourd'hui est une journée de repos pour la plupart des soldats, principalement ceux du bataillon d'exploration. les titans n'avaient fait aucune avancée particulière en direction des murs, il n'y avait donc aucune raison pour une mission dans les plaines. et puis, ils avaient déjà subis un entraînement il y a quelques jours, avec le lieutenant vector. la plupart des militaires vaquaient surement à leurs occupations personnelles, chacun ayant quelque chose à faire de ses dix doigts. il devait bien être un des rares à n'avoir aucune idée ou aller. c'est pour ça qu'il laissait ses jambes le diriger toutes seules, l'esprit distrait par l'aspect vétuste du quartier dans lequel il se trouvait. ce n'est pas comme s'il n'avait pas d'amis au sein du bataillon d'exploration, ou de l'équipe des éclaireurs. c'est juste qu'il ne savait jamais comment et surtout quand approcher les gens. il avait toujours l'impression de déranger, lui avec sa sale tête de gamin immature et rebelle, qui s'incruste plus qu'autre chose dans les discussions des autres. un soupir traverse ses lèvres tandis qu'il s'arrête brièvement devant un étal, le commerçant derrière se précipitant pour déblatérer sur les pommes qu'il venait de cueillir et qui étaient toutes fraîches selon ses dires. il ne comprenait pas pourquoi il revenait toujours dans ce genre d'endroits, alors que s'il avait quitté sa famille, c'était justement pour échapper à la pauvreté. et aussi à son frère, mais ça, tout le monde le sait. une pomme dans la main, il reprend son chemin dans la ruelle encombrée de gosses joueurs.

sans méfiance, le garçon balance sa pomme dans la paume de sa main, nullement soucieux à l'idée de se la faire voler par les gamins qui courent autour de lui. ce  n'était qu'une pomme, il n'en ferait pas tout un plat. enfin, il se mettrait d'abord à pourchasser l'auteur du vol, pour se dégourdir les jambes et se donner un petit entraînement personnel, avant d'abandonner la chasse. malgré ses crises de colère, il n'est pas du genre à être rancunier. enfin, bien sûr, tout dépend de qui on parle. parce que si on parle d'une certaine personne de sa famille, alors là, il peut avoir toute la rancune du monde en réserve. alors qu'il s'apprête à finalement croquer dans sa pomme, quelque chose heurte sa tête. choqué, il entrevoit une autre pomme par terre, et avant même d'avoir ouvert la bouche pour apostropher l'individu qui l'a frappé, une voix familière résonne dans ses oreilles. automatiquement, ses sourcils se froncent, et ses épaules se redressent, un peu à la manière d'un chat qui hérisserait le poil. une main forte et déterminée l'attrape par l'épaule pour le retourner, et une vague de colère traverse le garçon lorsqu'il fait face à son frère. « génial, il manquait plus que ça...» siffle-t-il entre ses dents serrées par la frustration. si on lui avait dit qu'aujourd'hui, il se retrouverait nez-à-nez avec son frère, frère à qui il n'avait même pas dit adieu lorsqu'il avait quitté la maison familiale il y a 2 ans, il aurait ri au nez de son interlocuteur. « réfléchis trente secondes l'andouille, j'suis dans le bataillon d'exploration je te rappelle. c'est logique que je sois là, non ? » s'exclame-t-il aussi fort que glen, sans se soucier des regards concernés des gens autour d'eux. voir deux garçons se disputer d'une telle manière n'était pas nouveau pour eux, mais c'est certainement déroutant. à peine son frère le relâche-t-il qu'elric frotte son épaule de ses mains, comme pour y faire disparaître une crasse imaginaire que son frère aurait posé là en l'attrapant. le sourire mesquin de ce dernier lui cause de grogner bizarrement dans sa direction. « quoi, t'es jaloux ou quoi du bataillon d'exploration ? t'avais qu'à le rejoindre. ah oui, c'est vrai. t'y serais sûrement jamais arrivé, vu comment t'es nul.» répond-t-il avec un rictus tout aussi vilain collé au visage, fier de sa répartie. « et puis c'est toi qui dégage de mon chemin. qu'est-ce que tu fais ici, hein ?»

comme d'habitude, alors qu'il pensait enfin en avoir fini avec son ancienne vie, il fallait bien sûr que ses racines ressortent du sol et le saisisse par les pieds pour le secouer un bon coup et lui rappeler qu'on n'échappe jamais à son passé, qu'on ne devient pas une tout autre personne comme ça, en claquant des doigts et en priant pour un peu de magie. rien que de scruter son visage rempli de haine pour lui, le garçon ressent l'envie brûlante de sortir ses armes, de désobéir aux ordres et d'en finir une bonne fois pour toute avec celui qu'il devait appeler son frère. d'ailleurs, en regardant de loin dans ses yeux, il aurait surement l'impression de regarder dans un miroir, et pas seulement physiquement : il y retrouverait toute la fureur qu'il ressent lui-même envers glen. « okay, je veux pas te voir et tu veux pas me voir, parfait ! fais demi-tour et on en parle plus.» s'exclame-t-il plus bruyamment qu'avant, exaspéré. son frère avait vraiment le don de le mettre hors de lui, simplement en étant lui-même. leur altercation semble en tout cas attirer les gamins des ruelles, pour qui le spectacle doit être le plus intéressant depuis les dernières attaques de titans sur les murs de la ville. elric n'aimait pas se mettre en scène mais actuellement, tout ce à quoi il pouvait penser, c'est d'écraser son frère et de lui faire mordre la poussière. il ne voit pas venir le coup, tout comme il ne ressent pas immédiatement la douleur au niveau de sa pommette lorsque glen le frappe au visage. c'est à cet instant qu'elric regrette ardemment de ne pas transporter ses lames aujourd'hui. tout jour de repos veut dire pas d'uniforme officiel, pas de transport d'armes. « oh wow, tu m'a caressé la joue ? j'ai à peine senti tes doigts.» plaisante-t-il, accompagnant sa blague avec un rire jaune qui dissimule sa fierté meurtrie. se faire frapper par son frère de base était humiliant, alors devant un public et sans aucun moyen de rétorquer, c'était encore pire. il se contente de répondre en levant sa main pour offrir un doigt d'honneur à glen, l'air désinvolte. entendre son frère parler de travail lui met cependant la puce à l'oreille. « tu veux dire que quelqu'un a enfin trouvé un travail pour quelqu'un d'aussi inutile que toi ? t'es un gigolo de ces messieurs peut-être ?» même à ses propres oreilles, ses réponses semblent enfantines. mais avec son frère, il n'y avait plus aucune place pour la raison, uniquement la colère. ses yeux voyagent derrière son frère et autour d'eux, cherchant dans leur environnement quelque chose, n'importe quoi pour se défendre. il avait bien vu le mouvement subtil de son frère, qui avait posé la main sur l'arme accroché à sa taille, et il ne comptait pas se laisser frapper une deuxième fois sans rien dire.